Publié le mercredi 11 septembre 2019 13:35 par Jean Andris
Mis à jour le mercredi 11 septembre 2019 14:02 par Jean Andris
En Suisse, plus de 400’000 personnes souffrent de diabète de type 2, un trouble métabolique grave en augmentation constante. L’obésité, en favorisant le développement d’une résistance à l’insuline – l’une des hormones régulant le taux de sucre dans le sang – en constitue un facteur de risque important. Cependant, le déséquilibre insulinique pourrait ne pas être l’unique cause de l’apparition du diabète. En effet, des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) ont mis en évidence un autre mécanisme: le foie aurait la capacité de produire une quantité importante de glucose hors de tout signal hormonal. Chez les patients souffrant d’un excès de graisse dans le foie, cette surproduction de glucose pourrait être à l’origine d’un diabète de type 2, et ce indépendamment des circuits hormonaux. Ces résultats, publiés de la revue Journal of Biological Chemistry, mettent en lumière une relecture inédite de l’origine du diabète chez les patients en surpoids.
Le taux de sucre dans le sang est principalement régulé par deux hormones antagonistes: l’insuline qui baisse le taux de sucre et le glucagon qui au contraire l’augmente. Le foie joue un rôle essentiel dans la régulation de la glycémie en produisant et redistribuant le glucose, sous l’influence de ces deux hormones. Les personnes en surpoids font ainsi face à deux menaces : d’une part le risque de développer une résistance à l’insuline, annonciatrice de diabète de type 2, et d’autre part une accumulation de graisse dans les cellules du foie, appelée syndrome du «foie gras». Cette accumulation de lipides induit une altération de la morphologie et de la structure des mitochondries, les centrales énergétiques des cellules.
«Ces altérations ont-elles un effet sur le fonctionnement des mitochondries? Y aurait-t-il un lien entre les mitochondries des cellules du foie, l’obésité et le diabète? Pour le savoir, nous nous sommes concentrés sur une protéine appelée OPA1 qui, sous une forme dite «ongue», autrement dit non dégradée, a pour fonction de maintenir la structure des mitochondries», explique Pierre Maechler, professeur au Département de physiologie cellulaire et de métabolisme et au Centre facultaire du diabète de la Faculté de médecine de l’UNIGE, qui a dirigé ces travaux.
Les scientifiques ont inactivé la fonction d’OPA1 chez des souris pour pouvoir décortiquer le rôle exact des mitochondries. «Le foie des souris dépourvues de la forme longue d’OPA1 perd sa capacité à produire du sucre en seulement quelques semaines», constate Lingzi Li, doctorante dans le laboratoire du Professeur Maechler et première auteure de cette étude. «Les mitochondries des cellules du foie présentent alors une morphologie altérée, ce qui confirme leur importance dans le métabolisme du sucre.»
Pour affiner leur analyse, Pierre Maechler et ses collègues ont réintroduit la protéine OPA1 fonctionnelle chez les souris où elle avait précédemment été supprimée. «Les mitochondries ont retrouvé leur morphologie normale, mais pas leur activité», constatent les scientifiques. «Dans ce domaine également, la forme ne dicte pas la fonction! Il ne suffit pas que la mitochondrie apparaisse normale pour qu’elle fonctionne correctement.»
Le plus étonnant restait à venir. «En observant les contrôles, c’est-à-dire les souris saines chez lesquelles OPA1 avait été introduite dans sa forme longue, nous avons découvert qu’ainsi équipées de «super-mitochondries», elles fabriquaient plus de glucose que nécessaire et leur foie produisait du sucre sans aucun appel hormonal», s’enthousiasme Pierre Maechler. Cette étude ébranle donc le principe que l’on pensait bien établi selon lequel la production de glucose par le foie dépend nécessairement d’un stimulus externe.
C’est en effet la première fois que l’on observe une production de glucose par le foie indépendamment d’un signal externe, en particulier hormonal. Cette découverte pourrait expliquer l’apparition de diabète de type 2 observées chez des patients atteints du syndrome du «foie gras», en dehors de tout déséquilibre insulinique apparent. Pour confirmer cette piste, les chercheurs de l’UNIGE envisagent maintenaant de modifier la morphologie des mitochondries de cellules du foie chez des souris en surpoids, afin de vérifier si cette surproduction de glucose peut déclencher un taux de sucre anormalement élevé dans le sang et donc un diabète.
Source : alphagalileo