Publié le mercredi 28 août 2019 10:37 par Jean Andris
Mis à jour le jeudi 29 août 2019 12:30 par Jean Andris
L’ostéoporose touche toute la population. Une femme sur trois et un homme sur cinq souffrent avec l’âge d’une perte de substance osseuse. L’une de ses conséquences les plus fréquentes est la fracture du col du fémur, un traumatisme douloureux qui pèse lourdement sur la qualité de vie du sujet et peut entraîner une longue perte de mobilité. L’alitement prolongé qui s’ensuit s’accompagne souvent d’une dégradation de l’état général et d’une mortalité plus élevée.
Cette maladie entraîne une réduction de la masse osseuse en déséquilibrant le processus naturel de renouvellement des tissus et en modifiant la qualité des os. Les modifications se manifestent au niveau de la microstructure, de la densité des microfissures et des propriétés des tissus. La constitution des os est loin d’être simple. Si l’on scie un fémur, on voit qu’il se compose d’une couche extérieure dure entourant une matière spongieuse. Au microscope, la couche extérieure se révèle composée de structures concentriques faites de lamelles cylindriques ordonnées autour de vaisseaux sanguins. Ces lamelles ne sont épaisses que de quelques millièmes de millimètre et sont constituées d’un composite fibreux naturel : des fibres de collagène contenant des particules minérales, incluses dans une matrice minérale protéinée. Une loi régit cette structure : plus l’os est minéralisé, plus il est rigide, mais plus il est cassant. Vu sa structure hiérarchisée, l’os s’avère robuste et résistant malgré sa faible densité. Lorsqu’un os se casse, il ne suffit donc pas d’en vérifier la densité et la structure macroscopique, mais de bien considérer les mécanismes impliqués à tous les niveaux.
Un groupe de chercheurs de l’Empa(*) de Thoune dirigé par Jakob Schwiedrzik s’est fixé pour objectif de mieux comprendre ce qui, lors d’une fracture, se passait au niveau des lamelles. « Lorsqu’on ne prend en compte que la densité des os, comme c’est aujourd’hui généralement le cas en clinique, on peut relativement bien prévoir le risque de fracture d’un patient. Les écarts, cependant, ne sont pas rares et le risque peut être mal évalué, explique Schwiedrzik. Nous espérons que nos recherches permettront d’améliorer les prévisions individuelles. »
Les chercheurs abordent la question avec leurs méthodes habituelles d’étude des matériaux : ils en soumettent le plus petit échantillon représentatif – en l’occurrence une lamelle isolée – à des essais en traction et en compression. Ils peuvent alors observer ce qui se passe lorsque le matériau cède et relier les propriétés de l’échantillon à celles de sa microstructure. L’analyse de la microstructure est effectuée par spectroscopie Raman et au microscope électronique à transmission, deux techniques très complexes permettant d’observer avec précision les modifications structurelles des échantillons.
Mais ces essais en traction et compression ne se font pas d’eux-mêmes. Les chercheurs doivent soigneusement les préparer : « La mise en place des échantillons d’os et les tests qui suivent nous prennent encore beaucoup de temps, en particulier les tests en traction », explique Schwiedrzik. Il s’agit tout d’abord de découper une série d’échantillons selon une forme bien définie à l’aide d’un faisceau de ions focalisé. S’étant fixé pour but d’accélérer l’analyse des échantillons pour pouvoir passer à des évaluations statistiques, les chercheurs consacrent actuellement une bonne part de leurs efforts à l’automatisation de cette préparation des échantillons et à la conception de dispositifs de mesure spécifiques.
La problématique prend un tour tout à fait passionnant lorsqu’on se demande comment appliquer la méthode au niveau clinique. Cela fait actuellement l’objet d’un projet mené par des chercheurs de l’Inselspital(**) et de l’Université de Berne, de l’EPF(***) de Zurich et de l’Empa. Ils étudient la matière osseuse de patients porteurs d’une prothèse de la hanche. Le matériel est analysé à plusieurs échelles. L’objectif est de réunir suffisamment de données sur les propriétés micromécaniques de ce matériau, sa microstructure, son activité cellulaire et son métabolisme pour les corréler avec les résultats cliniques et les données personnelles de patients par voie de « Machine Learning ». La base de données qui en résultera doit permettre de quantifier la qualité des os d’un patient et d’utiliser cette information lors du diagnostic.
Source : AlphaGalileo
(*)The Swiss Federal Laboratories for Materials Science and Technology (Empa, German acronym for Eidgenössische Materialprüfungs- und Forschungsanstalt)
(**) Hôpital Universitaire de Berne
(***) Ecole Polytechnique Fédérale